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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

06 novembre, 2006

L’improductivité relative du Québec.


Texte préparé par André Dorais.

L’ex premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, croit que les travailleurs québécois sont moins productifs que ses voisins immédiats en Ontario et aux États-Unis. Il attribue cette improductivité relative au nombre plus faible d’heures travaillées. Le président de la Fédération des Travailleurs du Québec, Henri Massé, s’est indigné des propos de l’ex premier ministre, mais admet qu’il y a un problème de productivité au Québec. Il croit, pour sa part, que cela est dû à un manque d’investissement dans la recherche, le développement et la technologie. Qui a tort? Qui a raison?

Le nombre d’heures travaillées est un facteur à considérer pour estimer la productivité telle qu’on l’entend généralement, soit la production moyenne par travailleur lors d’une période donnée, mais cela n’en est pas un déterminant. Ce n’est pas parce que les Québécois travaillent en moyenne 2 heures de moins par semaine que les Ontariens ou près de 5 heures de moins que les Américains qu’on peut conclure à leur improductivité relative. Il ne suffit pas de travailler longtemps ou de «travailler fort» pour être productif. Si c’était le cas, on n’aurait qu’à creuser des trous à longueur de journée ou de retourner à l’âge de pierre.

S’attarder sur le nombre d’heures travaillées pour qualifier la productivité laisse entendre que tous les emplois et les individus qui les exercent s’équivalent, ce qui est faux. D’autres facteurs, plus importants, sont à considérer. Dans le secteur de la production, les bons outils et les bonnes machines sont déterminants, alors que dans le secteur des services, c’est plutôt la façon dont on est rémunéré qui l’est. C’est-à-dire ou bien par l’État et par conséquent l’imposition et la taxation, ou bien directement par les consommateurs, soit volontairement.

Services gouvernementaux vs services à but lucratif

Un agent du gouvernement peut travailler fort à distribuer l’argent des contribuables et être bien rémunéré pour ce faire, mais cela ne signifie pas qu’il est productif. L’argent distribué bénéficie à certains individus, mais on ne doit pas oublier qu’il a été tiré des poches des contribuables sans leur consentement. Ceux-ci l’auraient probablement utilisé à d’autres fins et de manière plus productive, si ce n’était qu’en considérant les frais économisés à ne pas être dans l’obligation de payer fonctionnaires et politiciens. L’aide de l’État ne vient pas sans nuire à quelqu’un, voire communément à plusieurs.

L’État prétend mieux répondre que l’entrepreneur aux désirs des consommateurs en utilisant des moyens diamétralement opposés. L’entrepreneur interprète l'information transmise via les prix, l'intérêt et le profit pour servir, tandis que l’État s’accommode d’une analyse superficielle des statistiques économiques et utilise toujours la contrainte et fréquemment le dénigrement et la démagogie. Il soutire l’argent des contribuables sous différents prétextes, ensuite il impose des services que ceux-ci n’ont pas nécessairement demandés. Il ne cherche pas vraiment l’appui de la majorité, mais uniquement son indifférence. L’impôt et la taxation ne remplaceront jamais les prix établis librement via l’échange volontaire. À la différence du gouvernement, l’entrepreneur ne peut pas imposer ses services. Il est guidé par ce que les consommateurs sont prêts à débourser.

Lorsqu’on impose des services sous différents prétextes, l’estimation des prix et des salaires tient davantage de l’arbitraire. À bien des égards, l’État ne répond pas aux besoins, il les crée. Plusieurs services gouvernementaux seraient éliminés si ce n’était de leur imposition. On répondrait aux besoins d’autant mieux qu’ils proviendraient des consommateurs plutôt que des contribuables. Certains services seraient mieux rémunérés par les consommateurs et d’autres moins. Un consommateur est un individu qui exprime ses désirs sans l’intermédiaire de l’État, tandis qu’un contribuable volontaire, c’est-à-dire qui approuve et joue le jeu démocratique, essentiellement parce qu’il ne voit pas d’autre moyen de procéder, est un individu qui fait appel à la coercition de l’État pour satisfaire ses besoins. Chaque individu est un consommateur, mais ce ne sont pas tous les individus qui sont contribuables et encore moins le sont également.

Imposer des services que seule une poignée de contribuables ont demandés réduit la productivité et réduit la richesse. Cette façon de procéder bénéficie à certains, mais au détriment de plusieurs autres. Étant donné qu’elle est destructive de richesse, elle ne saurait durer longtemps. La richesse est d’autant plus grande qu’on lui laisse la chance de croître et d’autant mieux distribuée qu’on la laisse à ses propriétaires. L’État n’a pas plus de moyens légitimes pour servir que l’entrepreneur, mais seuls les moyens utilisés par l’entrepreneur sont productifs. Quand bien même on travaillerait 70 heures par semaine pour l’État, on ne s'en retrouverait pas plus riches, mais plus pauvres. Il en est ainsi, car l’État ne produit pas de richesse, il la consomme. La productivité d’une nation est d’autant plus faible que les services octroyés par l’État sont nombreux et importants.

Savoir vs capital

Le travail, seul, ne constitue pas une source importante de richesse, mais la connaissance des diverses technologies n’en constitue pas une davantage. En effet, on retrouve ces connaissances dans des pays pauvres. Ce qu’on n’y retrouve pas, cependant, est le capital pour les mettre en application. Sur ce point, Ludwig von Mises écrivait dans The Freeman, en 1963 :

Ce qui est nécessaire à ces pays pauvres pour adopter les moyens de production de l’Ouest et satisfaire leurs besoins n’est pas l’information relative à la connaissance technique. Il n’y a pas de secret à propos des moyens technologiques. Ils sont enseignés dans les écoles spécialisées et ils sont bien décrits dans les livres, manuels et périodiques. On retrouve plusieurs spécialistes disponibles pour l’exécution de tous les projets que l’on peut considérer utile à ces pays moins développés. Ce qui empêche un pays comme l’Inde d’adopter les méthodes américaines de l’industrie est sa faible quantité de biens en capital.[i]

À l’instar du mot «productif», le mot «technologie» exige une clarification. Celui-ci renvoie aussi bien à un savoir qu’à une forme de biens en capital (réseaux informatiques, CD-ROM, Internet, téléphonie mobile, etc.). Utilisé dans ce double sens, on doit donner raison à Henri Massé, soit que la technologie contribue à la productivité et à la richesse. Seul le capital accumulé constitue une source importante de richesse. Le capital, avant de se présenter sous forme monétaire, constitue les outils, les appareils et les machines qui permettent d’accroître la productivité. Ces biens en capital permettent d’obtenir une plus grande quantité de biens et à meilleur prix; ils permettent également à une société d’offrir plus de services.

Pour accumuler du capital, il faut d’abord épargner en consommation, ensuite être en mesure de la faire fructifier. Moins l’État se l’approprie, plus grande sera la productivité au bénéfice de tous. L’entrepreneur ne peut pas s’asseoir sur son capital sous forme de biens en capital, il doit l’entretenir au bénéfice de tous, sinon un concurrent le délogera. En ce sens, le capital non utilisé est un capital mort, il constitue une richesse que dans la mesure où il est utilisé au service des consommateurs. Ceux-ci sont les grands gagnants de la hausse de la productivité, par conséquent les travailleurs y trouvent tout autant leur compte.

Les travailleurs voient leur salaire augmenter parallèlement à l’augmentation de capital. Un investissement en capital signifie plus d’outils, d’appareils et de machines entre leurs mains. À l’aide de ces outils et de ces machines, la quantité des produits augmente et leur qualité s’améliore. L’employeur est alors en mesure d’obtenir davantage pour ses produits, par conséquent il est plus à même d’augmenter le salaire de ses employés. S’il ne l’augmente pas, la concurrence s’en charge. Nul besoin de décrets gouvernementaux ou de conventions collectives pour ce faire. Au contraire, utiliser la loi pour augmenter un salaire constitue la meilleure façon d’appauvrir tout le monde à moyen terme.

En haussant des salaires à l’aide de la loi sans qu’il y ait eu augmentation de capital en parallèle, l’État appauvrit la population. Une hausse des coûts de production réduit le nombre de producteurs en mesure de poursuivre leurs activités. Cette baisse des activités, à son tour, conduit plus de travailleurs au chômage et à la pauvreté.

La seule façon efficace et légitime d’augmenter la productivité au profit de tous est de réduire les obstacles à l’épargne et à l’accumulation de capital. À son tour, cela signifie réduire l’État pour faire place aux forces du marché, soit à l’échange volontaire. À cette aune, bien qu’on puisse dire que Henri Massé ait été plus près d’une juste description de la productivité que Lucien Bouchard, il est moins sûr qu’il en saisisse et en partage les implications. Au contraire, Lucien Bouchard s’est peut-être trompé de cible en attribuant la relative improductivité des Québécois à leur nombre d’heures travaillées, mais le constat est exact : les Québécois sont moins productifs que leurs voisins en Ontario et aux États-Unis.

Lorsqu’on ne s’entend pas sur ce qu’est la productivité, il est difficile de trouver les moyens de l’accroître. On poursuit et on défend alors les méthodes présentement utilisées. On continue à justifier la coercition de l’État en dénigrant l’entrepreneur, en se drapant de fausse morale et en énonçant quelques statistiques économiques en guise de science. Que les Québécois se libèrent de l’État, comme ils se sont libérés de l’emprise de l’Église sur leurs vies, et ils seront aussi productifs que les autres, voire davantage.


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[i] Il s’agit d’une traduction libre du texte suivant: “What these poor countries need in order to adopt the Western methods of mass production for the satisfaction of the wants of the masses is not information about a "know how." There is no secrecy about technological methods. They are taught at the technological schools and they are accurately described in textbooks, manuals, and periodical magazines. There are many experienced specialists available for the execution of every project that one may find practicable for these backward countries. What prevents a country like India from adopting the American methods of industry is the paucity of its supply of capital goods.” The Economic Role of Savings and Capital Goods

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